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Taxer le CO2, une solution pour le climat et pour l’économie

Une soixantaine de pays, régions ou villes ont déjà instauré un système fixant un prix aux émissions de dioxyde de carbone afin de lutter contre le réchauffement climatique.

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Publié le 08 octobre 2015 à 19h05, modifié le 09 octobre 2015 à 06h41

Temps de Lecture 5 min.

Une mine à ciel ouvert de lignite et une centrale thermique l'utilisant à Jaenschwalde en Allemagne en juin 2015.

Une quarantaine de pays et une vingtaine de régions, provinces ou villes ont déjà mis en place, ou s’apprêtent à le faire, un système de tarification du carbone. Ces dispositifs couvrent 12 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, une proportion qui reste modeste, mais qui a triplé en dix ans. Et cela, sans nuire à la compétitivité économique des Etats ou collectivités concernés.

C’est ce que fait apparaître une étude, rendue publique vendredi 9 octobre, du New Climate Economy (Commission mondiale sur l’économie et le climat), un think tank international créé par d’anciens chefs d’Etat et de gouvernement et des économistes. Confirmant une tendance déjà soulignée dans le dernier rapport Carbon Pricing Watch de la Banque mondiale, publié en mai, ce travail conclut à la nécessité de développer une tarification du carbone à l’échelle planétaire.

L’idée de donner un prix au carbone, selon le principe du pollueur-payeur, afin de pénaliser financièrement les émissions de gaz à effet de serre responsables du dérèglement climatique, gagne donc du terrain. Concrètement, elle se traduit par deux types de dispositifs. Le premier, la taxe carbone, appliquée par exemple aux carburants ou aux combustibles fossiles, revient à renchérir leur coût, ce qui a un effet dissuasif sur leur utilisation. Le second, le marché du carbone, consiste à plafonner les émissions des industriels par un mécanisme de quotas annuels, qui peuvent être rachetés ou revendus dans une Bourse d’échanges.

Réforme du marché européen

C’est cette seconde option qu’a choisie l’Union européenne. Elle a été la première à instaurer, en 2005, un marché d’échanges de quotas de CO2 (Emission Trading Scheme, ou ETS), appliqué à environ douze mille installations industrielles (centrales thermiques, réseaux de chaleur, raffineries, aciéries, cimenteries, papeteries…), auxquelles a été adjoint, en 2012, le secteur aérien.

Ce dispositif couvre aujourd’hui plus de 40 % des émissions européennes de gaz à effet de serre. Mais, du fait de l’attribution initiale d’un volume trop important de quotas, ainsi que de la récession économique, le prix de la tonne de carbone a chuté de 30 euros en 2005 à seulement 5 euros ces dernières années, un niveau trop bas pour avoir un réel effet d’entraînement sur les entreprises. Une réforme du marché communautaire du carbone est en cours.

Lire : Un plan de sauvetage pour le marché européen du carbone

Neuf Etats américains ont mis eux aussi sur pied un marché commun du CO2, le Regional Greenhouse Gas Initiative (RGGI). Le Québec et la province canadienne de l’Ontario ont institué des dispositifs similaires, de même que la Corée du Sud. Surtout, la Chine, premier pollueur de la planète, après avoir expérimenté ce système dans sept villes et provinces, a annoncé son intention de créer en 2017 un marché national du carbone, qui serait le plus important au monde.

Lire : Pourquoi Pékin s’engage sur la limitation des gaz à effet de serre

Plusieurs pays — France, Royaume-Uni, Portugal, Suisse, Suède, Norvège, Finlande, Pologne, Slovénie, Estonie, Lettonie — allient un double mécanisme de marché et de taxe carbone. Quant à l’Afrique du Sud, elle prévoit d’instituer une taxe carbone en 2016. A l’inverse, en juillet 2014, l’Australie a supprimé sa taxe carbone introduite deux ans plus tôt.

Pas un handicap économique

Or, pointe l’étude, « la tarification du carbone n’est pas un handicap pour la croissance économique ». Pour preuve l’exemple des neuf Etats américains engagés dans le RGGI : entre 2009 et 2013, ils ont globalement enregistré une croissance économique légèrement supérieure au reste des Etats-Unis (9,2 % contre 8,8 %), tout en réduisant leurs émissions totales de gaz à effet de serre à un rythme bien supérieur (18 % contre 4 %). De même, la Suède, qui s’est dotée d’une taxe carbone au début des années 1990, a fait chuter ses émissions de 23 %, tout en bénéficiant d’une croissance économique de près de 60 %.

A ces dispositifs nationaux ou régionaux, note l’étude, s’ajoute l’initiative privée d’un nombre croissant d’entreprises : elles sont aujourd’hui près de quatre cent cinquante, contre cent cinquante un an plus tôt, à avoir fixé un « prix interne » du carbone, qu’elles prennent en compte dans leurs bilans. Cela, afin de réorienter leurs investissements vers des activités bas carbone et d’anticiper l’impact de futures tarifications obligatoires. C’est le cas de Google, Microsoft, BP, Shell ou Exxon Mobil, et, en France, de Total, EDF, Engie (ex GDF-Suez), Renault, Vinci, Veolia, Saint-Gobain, Lafarge, Danone, BNP-Paribas ou la Société générale.

Pour autant, si « la tarification du carbone progresse au niveau mondial », on est encore très loin d’un mécanisme harmonisé couvrant l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre. « C’est le bon moment pour introduire un prix du carbone dans le monde, en même temps que de rechercher des mesures complémentaires telles qu’une réforme des subventions aux fossiles », plaide l’économiste britannique Nicholas Stern, ancien vice-président de la Banque mondiale et coprésident de la Commission mondiale sur l’économie et le climat.

Aide aux pays du Sud

Celle-ci préconise que « tous les pays développés et émergents s’engagent à mettre en place une tarification du carbone d’ici à 2020 ». Cette mesure, évalue-t-elle, permettrait, à l’horizon 2030, de réduire dans un volume de 2,8 à 5,6 milliards de tonnes les émissions mondiales annuelles de CO2. Des chiffres à comparer aux quelque 40 milliards de tonnes par an actuellement rejetées dans l’atmosphère par les activités humaines.

Comme en écho, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a déclaré, mercredi 7 octobre, lors de l’assemblée générale de la Banque mondiale et du FMI à Lima (Pérou) : « C’est simplement le bon moment pour introduire une taxe carbone. » Elle fait valoir qu’une telle taxe, si elle était généralisée, constituerait « un matelas de sécurité » pour « les ministres des finances [qui] cherchent des sources de revenus ». Et Mme Lagarde d’ajouter que cet impôt pourrait contribuer aux 100 milliards de dollars (89 milliards d’euros) que les pays développés ont promis de mobiliser, d’ici à 2020, pour aider les pays du Sud à faire face aux conséquences du changement climatique.

Un prix plancher en France ?

Le mouvement est en tout cas lancé. Jeudi 8 octobre, devant le colloque annuel de l’Union française de l’électricité, la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, a émis une nouvelle proposition : « Quoique nous n’en soyons pas encore à adopter un prix du carbone mondial et unifié — mais ça viendra —, pourquoi en France ne pas avancer dans le bon sens, avec un prix plancher du quota de CO2 pour le secteur électrique ? » La ministre a précisé : « Nous pourrions, pour accélérer le mouvement à l’échelle européenne, faire cause commune avec le Royaume-Uni, qui a déjà mis cela en place, l’Espagne, l’Italie, la Belgique et, pourquoi pas, l’Allemagne, qui fait de ses centrales à charbon un palliatif transitoire à l’abandon du nucléaire, mais certainement pas une énergie d’avenir. »

Il faudrait alors articuler ce nouvel instrument avec le marché communautaire d’échanges de quotas en vigueur, comme avec la taxe carbone déjà appliquée dans l’Hexagone, sous forme de « contribution climat-énergie », aux produits énergétiques d’origine fossile. Cette taxe, actuellement de 14,50 euros la tonne de CO2, doit monter à 56 euros en 2020, pour atteindre 100 euros en 2030. Mais cette trajectoire reste à transcrire dans les lois de finances.

Lire : Ségolène Royal se résout à une vraie taxe carbone

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