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Qui doit payer pour protéger le climat ?

Par Jacques Delpla (économiste, Président de KLIMATEK SAS)

Publié le 25 juin 2015 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Al'approche de la conférence sur le climat de Paris (COP21) en décembre 2015, de nombreuses propositions appellent, au titre du réchauffement climatique, à de larges transferts mondiaux d'argent public des pays riches vers les pays pauvres. Pourquoi ? Le seul moyen, en économie, de lutter contre le réchauffement climatique est la taxation du carbone émis (ou de manière équivalente la vente au prix de marché de quotas de carbone) au niveau mondial, de préférence avec un prix mondial unique du CO2. Or, il faut inciter les pays pauvres à signer des accords climatiques contraignants sur leurs émissions de carbone. Comme la production de CO2 est une externalité négative mondiale, les pays pauvres ont intérêt à ne pas signer d'accord climatique et à rejeter leur pollution en CO2 sur le reste du monde. Pour faire signer les pays pauvres, il faut les compenser.

Plusieurs propositions sont sur la table. Officielle : le Fonds vert mondial pour le climat de l'ONU, abondé volontairement par les Etats (la France versera 1 milliard); avec un objectif de 100 milliards de dollars (0,1 % du PIB mondial). Sérieuse : donner des quotas gratuits de CO2 aux pays pauvres (Gollier et Tirole « Pour un accord efficace sur le climat », « Le Monde de l'économie » du 4 juin 2015). Difficile à mettre en oeuvre : un bonus-malus mondial sur la taxe carbone, où les habitants de la planète polluant plus que la moyenne mondiale transféreraient leur taxe carbone aux pays dont les habitants polluent moins que la moyenne mondiale (Christian de Perthuis et Raphaël Trotignon, « Le Climat, à quel prix ? La négociation climatique », éditions Odile Jacob, 2015). Burlesque : affecter la taxe sur les transactions financières aux pays pauvres.

Toutes ces propositions manquent de crédibilité et de légitimité démocratiques si bien que ces larges transferts d'argent public (et les quotas gratuits de CO2 en sont aussi) n'adviendront pas.

En l'absence d'Etat unique mondial démocratique, pas de taxe mondiale (« pas de taxation sans représentation ») et il n'est pas crédible que les Parlements démocratiques d'Europe, d'Amérique du Nord ou d'Australie votent chaque année de larges transferts vers des pays pauvres. D'une part, chaque pays veut d'abord dépenser pour ses propres électeurs (la Finlande vient de diviser par deux son aide au développement). D'autre part, les pays riches et démocratiques n'accepteront pas de voter de larges transferts envers des pays soit non démocratiques, soit soupçonnés de corruption, soit avec qui ils ont peu d'affinités politiques ou culturelles. Donc, comme les pays pauvres savent cela, ils ne sont pas incités à signer un accord climatique contraignant. Le Fonds vert mondial pour le climat n'a donc ni utilité, ni crédibilité, ni avenir.

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Deux solutions existent. Premièrement, des barrières douanières pour protéger le climat permettent de manière crédible d'inciter tous les Etats à rejoindre un accord contraignant sur le climat. Deuxièmement, un « Global Apollo Programme to Tackle Climate Change », une idée lancée en mai 2015 par d'éminents économistes anglais (Nick Stern, Richard Layard...). Notant que seulement 2 % des dépenses publiques mondiales de R&D couvrent les énergies décarbonées, les auteurs proposent un financement mondial de 15 milliards de dollars par an pour les énergies renouvelables, propres et pour l'efficacité énergétique. Selon eux, cet investissement serait suffisant pour rendre les énergies décarbonées et renouvelables moins chères que les hydrocarbures d'ici à dix ans, grâce au progrès technique.. Cet effort de R&D (0,02 % du PIB mondial) serait financé par la taxe carbone dans les pays riches. Les technologies ainsi découvertes seraient mises gratuitement à disposition de l'ensemble de l'humanité. Finançons la R&D climatique plutôt qu'une illusoire solidarité internationale peu crédible.

Jacques Delpla

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