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Nature & environnement

Pétrole bon marché : une chance plutôt qu'un obstacle pour le climat ?

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Une raffinerie de pétrole à Galveston, au Texas, le 22 septembre 2005
Une raffinerie de pétrole à Galveston, au Texas, le 22 septembre 2005
(c) Afp

Paris (AFP) - La chute du prix du pétrole est-elle un handicap dans la lutte contre le réchauffement de la planète, qui implique de se détourner des énergies fossiles? Pas forcément, estiment les experts qui y voient même une opportunité pour l'action en faveur du climat.

Le prix du baril - moins de 60 dollars actuellement, soit la moitié de sa valeur six mois plus tôt - peut certes favoriser la consommation dans les transports (14% des émissions de gaz à effet de serre mondiales).

"On roule plus et on est plus enclin à acheter des véhicules consommant beaucoup", note Pascal Canfin, expert climat auprès du centre de recherche World Resources Institute.

Mais pour la production d'énergie (35% des émissions mondiales), un pétrole bon marché ne va pas forcément concurrencer les énergies renouvelables (éolien, solaire, hydraulique...).

"Dans la plupart des marchés, les renouvelables ne sont pas en compétition avec le pétrole, mais avec le gaz naturel et le charbon", explique Alden Meyer, expert à l'Union of Concerned Scientists, institut basé à Washington.

"Le sujet c'est: est-ce que la baisse du prix du pétrole va avoir un impact sur le prix du gaz et du charbon? Et si le gaz baisse, prendra-t-il la place du charbon ou des renouvelables? On a aujourd'hui, plus de questions que de réponses", souligne M. Canfin.

Beaucoup plus tangible en revanche, un pétrole peu cher réduit immédiatement les profits des compagnies pétrolières, qui, de Shell à Total, ont annoncé des réductions de leurs dépenses d'exploitation et d'exploration. Un bon point pour le climat, ces investissements déterminant en partie les émissions de demain.

Début janvier, la banque spécialisée Evercore IS a ainsi évalué entre 10 et 15% la chute des investissements pétroliers dans le monde en 2015. En Amérique du nord, où les sables bitumineux sont plus coûteux à exploiter et en Arctique, où les opérations sont beaucoup plus lourdes, les coupes seront encore plus marquées.

Ce contexte, ajouté à une baisse continue des tarifs des renouvelables et à la pression internationale croissante pour limiter les activités émettrices de gaz à effet de serre, pourrait annoncer un tournant pour l'industrie de l'or noir.

- "Risque carbone" -

"La place du pétrole dans le mix (bouquet) énergétique est en train de changer", relevait mi-janvier l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Codirecteur de l'Institut Grantham de recherche sur le changement climatique (London School of Economics), Dimitris Zenghelis insiste sur la croissante prise en compte du "risque carbone" par les investisseurs: "Les marchés sont conscients qu'une production et une consommation illimitées de pétrole sont incompatibles avec les objectifs climatiques et que cela représente un risque important".

Pour les experts, l'effet d'un pétrole bon marché dépendra aussi et d'abord de l'usage que les politiques en feront.

"Si les gouvernements utilisent les faibles prix du pétrole pour réformer leurs subventions aux énergies fossiles ou pour mettre en place des taxes environnementales, alors la baisse du prix est une excellente nouvelle pour le climat", explique Stéphane Hallegatte, économiste senior à la Banque mondiale, qui contribua en 2014 au rapport des experts mondiaux du climat (Giec).

L'idée est de ne pas répercuter complètement la baisse du prix sur la facture des consommateurs: soit en introduisant des taxes, type taxe carbone, dont le produit serait affecté à l'action climatique, soit en réduisant - lorsqu'elles existent - les subventions aux énergies fossiles. Selon l'AIE, ces subventions ont atteint 550 milliards de dollars en 2013.

"Il y a là une opportunité en faveur de nouvelles politiques pour aider à réduire les émissions" de CO2, abonde Dimitri Zenghelis. "Reste à voir si les gouvernants sauront en profiter", ajoute-t-il. L'Egypte, l'Inde ou l'Indonésie ont déjà annoncé des projets de réforme de leurs subventions.

Quant aux négociations onusiennes, qui se poursuivent cette semaine à Genève en vue d'un accord universel pour lutter contre le dérèglement climatique, elles ne devraient pas s'en trouver affectées. Leur "objectif est de s'accorder sur une trajectoire crédible pour réduire les émissions vers zéro d'ici la fin du siècle, de lancer un signal économique fort aux investisseurs, aux ménages, aux entreprises", rappelle M. Hallegatte, pour qui le prix du pétrole n'y "change pas grand chose".

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