Attendue par toute la communauté internationale depuis plusieurs semaines, la contribution de la Chine pour réduire ses émissions de CO2 a pris la forme d’un communiqué, diffusé mardi 30 juin pendant la visite à l’Elysée de Li Keqiang, le premier ministre chinois. A cinq mois de la 21e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP21), qui débute le 30 novembre à Paris, le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre depuis 2006 – il représente à lui seul 25 % du total mondial – se fixe pour objectif d’« atteindre le pic de ses émissions de CO2 autour de 2030 tout en s’efforçant de l’atteindre au plus tôt ».
Pékin entend aussi « baisser l’intensité carbone [émissions de CO2 par unité de produit intérieur brut] de 60 % à 65 % par rapport à 2005 » et « porter la part des énergies non fossiles dans la consommation énergétique primaire à environ 20 % ». « La Chine déploie le maximum d’efforts pour lutter contre les changements climatiques » et « assume sa responsabilité pour participer en profondeur à la gouvernance mondiale et promouvoir le développement partagé de l’humanité », soutient Li Keqiang, cité dans le communiqué.
François Hollande a « salué » cette annonce, estimant qu'elle « confirmait l'engagement de la Chine à construire une “civilisation écologique” », selon l'entourage du président français. Il a par ailleurs « remercié [Li Keqiang] d'avoir veillé à ce que cette annonce intervienne depuis Paris, en signe de soutien et de confiance dans le succès de la COP21 », a-t-on précisé de même source.
Continuité de l’accord sino-américain
Cette feuille de route, qui évoque également un effort de la Chine pour augmenter son stock forestier d’environ 4,5 milliards de mètres cubes par rapport à 2005 (les arbres sont des capteurs de CO2), s’inscrit dans la continuité de l’accord sino-américain scellé en novembre 2014. Barack Obama et Xi Jinping, les présidents des deux pays émettant le plus de gaz à effet de serre, avaient alors annoncé leur intention de réduire significativement les émissions polluantes de leur pays respectif.
La Chine s’était déjà engagée à atteindre le pic de ses émissions d’ici à 2030 et à faire passer à 20 % à la même date la part d’énergies renouvelables dans sa production énergétique, contre moins de 10 % en 2013 ; les Etats-Unis s’étaient orientés pour leur part vers une réduction de 26 à 28 % de leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 2005. Considérés pendant longtemps comme deux freins majeurs à l’avancée des négociations multilatérales sur le climat, les deux acteurs appuyaient tout à coup sur la pédale d’accélérateur.
Transformation du modèle économique chinois
L’annonce de cette contribution nationale confirme la transformation en cours du modèle économique chinois. En dépit d’un taux de croissance de l’ordre de 7 %, bien supérieur à celui de la plupart des pays industrialisés, la Chine se retrouve aujourd’hui confrontée à une baisse de sa consommation de charbon. Dans un rapport de la London School of Economics publié le 8 juin pendant la session de travail, à Bonn, de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), les économistes Nicholas Stern et Fergus Green constatent que la consommation chinoise de charbon, qui augmentait à un rythme de 9 à 10 % par an entre 2000 et 2010, a chuté de 3 % en 2014 et poursuit sur cette lancée au premier trimestre 2015.
Un « maximum structurel » a été atteint par la Chine selon ces deux experts, qui estiment que le recours au charbon va se stabiliser dans les cinq prochaines années, au profit d’un recours grandissant au gaz naturel dans les secteurs de l’électricité et de l’industrie.
Le pic d’émissions de gaz à effet de serre de la première puissance d’Asie pourrait donc avoir lieu bien avant 2025. L’enjeu pour le gouvernement chinois est d’être capable ensuite d’enclencher un déclin rapide et continu de ses émissions. « La question de savoir si le monde pourra tenir cette trajectoire [de 2° C] dans la décennie ou au-delà, à partir de 2020, dépend de manière significative de la capacité de la Chine à réduire ses émissions à un rythme soutenu après son pic », estiment Nicholas Stern et Fergus Green. L’objectif des 2 °C dépend aussi « des actions des autres pays dans les vingt ans à venir, et des actions mondiales menées au cours des décennies suivantes », ajoutent tout de même les deux économistes. Sur les 195 parties signataires de la CCNUCC, seule une quarantaine, Chine comprise, ont jusqu’ici officialisé leur contribution. Plusieurs grands Etats manquent encore à l’appel, l’Inde, le Brésil ou l’Australie notamment.
Préoccupation sociale
Un autre objectif difficile à tenir sera d’inclure au bouquet énergétique chinois 20 % d’énergie renouvelable à l’horizon 2030, comme Pékin s’y engage dans le scénario dévoilé à Paris. Devenu depuis 2013 le premier investisseur dans les énergies renouvelables, ce pays continent devra développer des politiques publiques incitatives pour espérer étendre ses capacités électriques dans le secteur du solaire, de l’éolien ou de la biomasse.
« La Chine est très engagée sur le climat, assure Laurent Fabius, qui s’est rendu sur place à la mi-mai. Le climat est d’abord un problème pour les Chinois eux-mêmes. » Au-delà des impératifs diplomatiques imposés par la préparation de la COP 21, dont la France assurera la présidence, le ministre des affaires étrangères a conscience de la préoccupation sociale que représentent en Chine les émissions de gaz à effet de serre. La pollution de l’air provoquée par la combustion d’énergies fossiles est un fléau national et un terrain de mobilisation de la société civile. Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) émanant d’une étude scientifique publiée le 16 juin, plus de deux millions de morts pourraient être évités chaque année dans le monde si les normes de pollution de l’air préconisées par l’OMS étaient respectées, surtout en Chine et en Inde.
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